Barbórka La Sainte Barbe à Trivières en 1958
La veille au soir
Les femmes de mineurs et leurs enfants sont entrés exceptionnellement dans les bâtiments du charbonnage jusqu’à la grande salle où se changent les mineurs avant la descente au fond car, on y a dressé dans le coin, comme chaque année, un autel à la gloire de sainte Barbe.
Il y a aussi un autel au fond.
Je ne suis pas descendu au Quesnoy, descendu au fond. J’ai juste passé une journée à Winterslag en 1965, un charbonnage de luxe .
On est dans une ruche bourdonnante.
Nous les enfants, on regarde les bougies de l’autel, les lumières, la statue que nous montre notre maman sans trop rien comprendre : sauf que c’est décembre, il fait froid.
Depuis l’entrée principale , règne l’un des deux » champettes du charbonnage » celui de Trivières plus gentil, plus humain: Partage, ou le plus hargneux,celui de Bois du Luc, Bouboule, pour en imposer aux femmes.
Jusqu’à cette grande salle, aucune porte n’est fermée. Il vente et le carrelage est constamment humide, mouillé. Il y a dans le charbonnage, dans la grande salle, un écho , une résonnance comme dans une cathédrale et un bruit de fond sourd en permanence.
Le charbonnage,nous, enfants on ne voit pas ce que c’est. Aujourd’hui, on est bien triste de comprendre par où sont passés nos papas.
Remontés un rien plus tôt, les mineurs arrivent, rejoignent leur famille et on rentre dans la nuit ,à pied. Certains sont réellement émêchés car ils ont bu au fond;… ce qui est en principe interdit.
On redescend en famille,dans le noir, par les sentiers mal éclairés qui partent du Quesnoy vers le bas de Trivières.Il y a dans le village deux ou trois rues pavées; les autres chemins, c'est du machefer des hauts fourneaux ou de la terre noire des terrils, boueuse.
Fin de journée, DUDA Henri ( 3e en béret) et les autres chefs porions sont invités dans le bureau de l'ingénieur principal SIMONIS (le 4e depuis la gauche) pour boire un coup.Henri aura aussi posé avec ses porions avant de passer aux douches (
.Henri Duda est le 3e debout en partant de la gauche.Le 2e est le très gentil Zawadzki qui habitait Bois du Luc,le père de Barbara,Lalunia et Ryszek. Le 4e est Stasiek Stulik son beau-frère. Son frère Edmond Duda est la 4e à droite en bas avec à côté de lui Piechowski Wladek dont il sera question dans la prochaine émission « Ma Terre » de la RTBF Charleroi en janvier 2011.La « bataille du charbon » c’était eux, c'est nous leurs descendants.
Ici, c'est décembre 46, il a déjà neigé à Trivières au Quesnoy
Demain, ils descenderont du QUESNOY jusque l'église dans le bas de Trivières pour la messe de Sainte Barbe et le cortège dans le village.
Le jour de la Sainte Barbe
C’est un jour de congé dans les écoles.C’est un jour de congé à la mine aussi.
Vers 9h, les habitants se rassemblent sur la place du village près de l’église de Trivières
Les paroissiens, les musiciens de la Fanfare « la Jeune Union », les musiciens de la fanfare « le Progrès », les mineurs en bleu de travail, les curieux.
Une partie entrera dans l’église pour la messe de sainte Barbe pendant laquelle la fanfare catholique » la Jeune Union » jouera pour son concert de sainte Barbe. La fanfare a déjà donné un concert dans l’église, le dimanche d’avant pour la fête de la saint Cécile.
La fanfare socialiste « le Progrès » n’entre pas à l’église. Son chef d’orchestre est le futur mayeur DAMIEN.
Nous, les Polonais, les petits Polonais, admis sans grimace de dédain, un jour de fête ,au sein de la vie villageoise, on ne comprend rien à ces subtilités politiques locales ,et, il faudra des années pour enfin comprendre notre ClocheMerle : qui est quoi, et surtout pourquoi.
Personne ne dit ou n’explique qui il est vraiment et ce qu’il faut être.
Les Polonais adultes ne comprennent pas plus. Ils ne sont ni plus catholiques, et pas encore socialistes et d’ailleurs, ils n’ont juste le droit politique de ne pas moufter. Certains Polonais de Trivières, le dimanche viennent à l'église du village, quelques uns seulement , 3 familles polonaises de Trivières. vont à la messe polonaise de Saint Vaast et la grande majorité des familles polonaises , comme partout ici, ne vont à la messe qu'à la sainte Barbe .
Oui, ils vôteront un jour mais pas avant le début des années 70, seulement après la fermeture des charbonnages quand on leur permettra seulement alors d’être Belge sans payer des sommes folles. Jusqu’au milieu des années 60,… même pas le droit de trop s’agiter au sein d’un syndicat. Il y a cependant une section des mineurs polonais à la CSC dans les charbonnages de la Société de Bois du Luc dont dépendent le Quesnoy et le Beaulieu à Havré, une CSC très docile . La Police des Etrangers veille quand même….
On est simplement là , en famille sur la place de Trivières. C’est sainte Barbe et c’est le seul jour où les mineurs sont honorés , … un peu. Et les Polonais,…un peu. On est concerné cette fois ;, on le sent. C’est notre tour, c’est le jour de nos papas.
Dès la fin de la messe, le cortège se forme avec la statue de sainte Barbe et la fanfare catholique juste derrière les mineurs en bleu de travail avec en tête, le président d’honneur, l’ingénieur SIMONIS. avec la grosse bourgeoisie catholique, condescendante .
La particularité à Trivières, c’est que le groupe des mineurs est essentiellement formé de mineurs polonais et de leurs amis Italiens.
Je ne le comprenais pas alors. Mineurs,c’était tout le monde; nos parents ,les voisins, tout le village.
Peu de Belges en mineurs pour la statue de sainte Barbe; l’amitié belgo-polonaise c’est dans la mine, beaucoup moins en dehors, moins dans la rue, bien moins dans la vie.
Cette photo (collection Nadine Netschta) a été prise en face du cinéma de Omer , près du café « le Marichau » aujourd’hui, rue Oscar Quertinmont, devant un terrain vague sur lequel d’un côté et de l’autre de la Haine, on construira la nouvelle cité à la fin des années 50, dans laquelle habiteront alors, très très très peu de mineurs et certainement aucun Polonais du charbonnage. C’est déjà , le Foyer Louviérois.
En tête du cortège, Henri PIECHOWSKI qui n’a pas 10 ans ( il était toujours là avec sa soeur à notre fête polonaise du 11 novembre cette année 2013).
Sainte Barbe est portée, à l’avant par Edmond DUDA et Stasiek URBANCZYK le papa de Nadine Netschta (institutrice à la Louvière) et grand-père de Roman FABJANCZYK de SPOTKANIE puis de JASNA WODA.
A l’arrière, Zdsislaw WOLNY. Son frère Henri Duda , joue ce jour-là de l’alto dans les deux fanfares. François KRENC joue du cor anglais à la Jeune Union.
Duda Henri a fait partie des porteurs de sainte Barbe quelques années plus tôt. Voici dans la même rue de Trivières, la délégation des mineurs en 1954 (photo collection Golebiowski Helena). Henri DUDA, déjà chef porion est le 4e de gauche à droite et Edmond DUDA, son frère, le 6e . Le 2e et le 7e sont aussi des Polonais.
Sur la première photo, derrière la statue, derrière Wolny apparaît la tête de son beau frère STULIK Stasiek ( le papa de Sabine qui vit aujourdhui en haut de la rue Larock ex rue J. Destrée. Et à sa droite , la silhouette mince du très gentil Mario BOCCALON et la marche fière c'est Wladek PIECHOWSKI. Le dernier mineur à droite est Italien, puis les musiciens de « la Jeune Union » avec laquelle, je défilerai quelques années jusqu'en 62.
« le Progrès » est à la fin du cortège. Les deux fanfares de Trivières jouent tour à tour un morceau chacune. « des pas redoublés » en fait: des marches. Il y a eu une concertation entre les deux chefs: Joseph Van Wayenberghe, et Damien
Quelques musiciens courent d’une fanfare à l’autre car ils jouent chez les deux.. Le » Progrès » jouant à l’ancien diapason, les musiciens, les bugles par exemples changent simplement un embout de leur instrument, plaçant l’autre en poche pour après.
Après le cortège,c’est la sortie des deux fanfares qui déambulent à leur gré d’un café à l’autre, jouant dans les rues et dans les cafés.
Je n’arrive pas à goûter au plaisir des musiciens, ni à boire à chaque fois et j’empoche des chocolats , des saucisses sèches très fumées que je ramène chaque saint Barbe, à la maison. Il y a d’autres gamins dans les deux fanfares, heureusement,et on ne s’ennuie pas de trop.J’ai ainsi joué de la musique au village jusqu’à 15 ans et j’ai beaucoup, beaucoup regardé la vie des gens
KOZLOWSKI ALEXANDRE
né au Quesnoy, instituteur à Trivières en 1969-1970-1971
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Nos autres articles sur la sainte Barbe:
http://lespolonaisducentre.skynetblogs.be/archive/2012/12/05/n-469-barborka.html
et puis encore ceci:
http://www.youtube.com/watch?v=EFFAX3vw7p8
http://www.youtube.com/watch?v=ccmNxAjiFM8
http://www.youtube.com/watch?v=fkfR2BZkuZc
http://www.youtube.com/watch?v=aIwIBPxQWlo
http://www.youtube.com/watch?v=Ycb9TVodBZk
http://www.youtube.com/watch?v=r_P9F0TprLM
et encore
KOZLOWSKI ALEXANDRE
né au Quesnoy, instituteur à Trivières en 1969-1970-1971
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et puis encore ceci:
http://www.youtube.com/watch?v=EFFAX3vw7p8
http://www.youtube.com/watch?v=ccmNxAjiFM8
http://www.youtube.com/watch?v=fkfR2BZkuZc
http://www.youtube.com/watch?v=aIwIBPxQWlo
http://www.youtube.com/watch?v=Ycb9TVodBZk
http://www.youtube.com/watch?v=r_P9F0TprLM
et encore